06/03/2006: Intervista a Jaques Vergès: "processo di rottura", diritto internazionale e USA
Jacques Vergès se livre au Quotidien d’Oran
La défense pour dénoncer
Interview Réalisée Par Notre Correspondant A Paris : S. Raouf
Me Jacques Vergès est depuis hier à Alger. Il y restera trois jours pour les besoins du tournage d’un film retraçant son itinéraire, avant de rallier Oran. Dans la capitale de l’Ouest, «l’avocat de ceux que personne n’ose défendre», le «dissident absolu», le «polémiste implacable» donnera une conférence sur le métier d’avocat. Le Quotidien d’Oran l’a rencontré à la veille de son énième voyage algérien.
- Le Quotidien d’Oran : Habitué d’Alger, vous voici de retour à Oran pour la première fois depuis 1963, dit-on.
- Jacques Vergès : Exact. Je n’y suis pas retourné depuis. Le bâtonnier d’Oran m’a proposé de donner une conférence au Palais de Justice de la ville sur le métier d’avocat et «la passion de défendre». La communication sera notamment centrée sur la nouvelle technique du procès: le procès de rupture, notre découverte au plus fort de la Guerre d’Algérie.
- Q.O.: Le lecteur ordinaire serait tenté de vous demander ce que recoupe cette formule corporatiste !
- J.V.: Le procès de rupture est un procès où le dialogue n’est pas possible. Un procès où l’accusation et l’accusé se réclament de valeurs différentes. Exemple pour les besoins de la clarté: pendant la Guerre d’Algérie, le Président du tribunal disait: «Vous êtes des Français». L’accusé répondait: «Je suis Algérien». Le président répliquait: «Vous êtes membres d’une association de malfaiteurs». Auquel l’accusé rétorquait: «Je suis membre d’une organisation de résistance». De toute évidence, aucun dialogue n’était possible. Les magistrats étaient aveugles et sourds à nos arguments. Dans des conditions pareilles, si on reste tranquille devant le tribunal, si on essaie de convaincre les militaires dont la moitié sont des tortionnaires, il est bien évident que nous sommes perdants. Si, en revanche, on s’adresse à l’opinion, à l’extérieur, il est évident qu’à ce moment-là, le rapport de force au sein de l’opinion française et internationale peut être différent. C’est précisément la ligne que nous avons suivie, celle du procès de rupture. A l’audience, on ne s’adresse pas au tribunal. On se sert du tribunal comme porte-voix pour toucher l’opinion. Laquelle va agir, ce que le tribunal ne ferait pas. Chaque procès devient pour la défense une dénonciation. On n’est pas sur le terrain de l’accusation. C’est nous qui accusons.
- Q.O.: Est-ce efficace comme méthode de défense ?
- J.V.: Sur tous les condamnés à mort que j’ai eu comme clients, aucun n’a été exécuté. Leur exécution aurait réveillé, re-suscité toutes les accusations que nous avions portées devant l’opinion publique. Quand le dialogue est possible, la défense n’éprouve pas le besoin d’aller vers un procès de rupture.
- Q.O.: Toujours pour les besoins de pédagogie, quelle affaire aujourd’hui tourne au procès de rupture ?
- J.V.: Le procès de Milosevic qui, depuis hier (ndlr: dimanche 12 février), dure depuis quatre ans. Manifestement, à part quelques rares évocations, on n’en parle plus à la télé. Parce que c’est un échec de l’accusation, incapable de donner les preuves de ses charges. Par contre, Milosevic a pu dénoncer le tribunal comme une organisation incompétente et illégale. Quel est le résultat quarante-huit mois après le début du procès ? En Serbie, Milosevic, prisonnier, a été élu député.
- Q.O.: Revenons sur le factuel. Dimanche, un tabloïd londonien, vite relayé par les médias du monde entier, s’est fait l’écho d’une séquence télévisuelle douloureuse. Deux jeunes Irakiens réprimés violemment par les militaires britanniques pendant des manifestations à Bassorah...
- J.V.: Ce n’est pas la première fois que les Britanniques tabassent des Irakiens. Des faits similaires ont déjà été signalés avant. On enregistre cela au moment où l’on continue à parler de justice internationale. Les Etats-Unis ne reconnaissent pas la justice internationale. Ils sont enclins à juger les autres, mais ils n’admettent pas qu’on puisse les juger. Les Anglais ont souscrit à la Cour pénale internationale. Cette Cour a lancé des mandats d’arrêt contre qui ? Contre des membres de l’Armée du seigneur en Ouganda ! Là on ne risque rien. Du moment qu’on est noir, africain, on peut y aller ! La prochaine fois, ça sera contre des émeutiers au Swaziland ou en Equateur ! Les grandes puissances, malheureusement, échappent aux activités de la justice internationale.
- Q.O.: Autre fait d’actualité chaude, le procès de Saddam Hussein. Vous vous êtes retiré du collectif de sa défense. La presse a avancé des explications contrastées.
- J.V.: Ce qui est curieux pour la défense de Saddam Hussein, c’est qu’elle n’est pas dirigée par quelque partie, qu’il s’agisse du parti Baath ou autre. Elle est l’affaire de la famille. Pour ne parler que de la défense pendant la guerre d’Algérie, j’y vois une différence fondamentale. Durant la guerre d’Algérie, c’est le FLN qui choisissait les membres du collectif chargé de défendre ses militants, donnait la ligne. Pour Saddam Hussein, c’est la famille qui décide de sa défense. Or, la famille est divisée. 42 de ses membres m’ont désigné. Mais la fille de Saddam installée à Amman avait invité d’autres confrères. Lesquels ont engagé une polémique avec moi. Au lieu de dénoncer la répression, on sa battait dans la défense. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas voulu continuer à participer à cette polémique. Plus tard, la fille de Saddam a dé-constitué toute la défense, si bien que son père se retrouve, aujourd’hui, sans avocat étranger. Il y en a un, l’Américain Ramsey Clark (ndlr: ancien ministre de la Justice) dont le silence est étourdissant. Or - je reviens au procès de rupture -, ce procès a besoin d’être dénoncé, largement dénoncé sur la scène internationale. Il ne l’est pas. Et ce qui n’arrange rien, des pressions incroyables s’exercent sur les avocats irakiens. Sur les dix initialement engagés dans la défense de Saddam Hussein, deux ont été tués, dont un après avoir subi la torture, un autre est à l’hôpital, l’autre en fuite. Près de la moitié sont hors de combat judiciaire ! Il est évident qu’il y a un relais international à assurer. Ce relais ne fonctionne pas.
- Q.O.: Pensez-vous que le parti Baath, dissous par les «oukases» américains dans la foulée de l’occupation, peut se charger de la défense de Saddam. Honni par la majeure partie de la population, est-il qualifié pour mettre en place une ligne de défense de l’ancien «raïs» ?
- J.V.: Même clandestin, il le peut, bien sûr. Le problème du procès ne réside pas dans la crédibilité ou non du Baath. Pour la défense, il y a matière à argument. Tout au long de la période aujourd’hui dénoncée, il y avait des ambassadeurs américains et occidentaux en poste à Bagdad. Leurs pays se réveillent tout d’un coup en affirmant qu’il y avait des crimes. Les Occidentaux, et les Américains en particulier, soutenaient le régime. Ils ont une part de responsabilité. Or, ils ne sont pas dans le box des accusés si jamais ce qu’on dit est vrai. D’autre part, est-il normal qu’on poursuive des faits vieux de 25 ans et qu’on n’ose pas évoquer des faits plus récents dont la presse parle ?
- Q.O.: Par exemple ?
- J.V.: L’usage - vrai ou faux - d’armes de destruction massive. Ces armes, si tant est qu’elles eussent existé, ont été vendues par les Occidentaux. Les Américains ont vendu des virus. Est-il normal qu’on évoque la torture infligée par le pouvoir de Saddam Hussein sans évoquer Abou Ghraïb ? Est-il normal qu’on engage un procès au motif qu’il y a eu des crimes de masse sans évoquer la mort de 500.000 Irakiens à la suite de l’embargo ? En disant cela, je ne me fais pas l’écho d’une thèse lancée par les extrémistes? mais sur la base d’un constat de l’Organisation mondiale de la santé. Enfants pour la plupart, ces centaines de milliers ont été les victimes du bombardement des usines de traitement des eaux. Ils ont bu de l’eau polluée. Les enfants ont été privés de certains médicaments interdits d’importation. La communauté internationale, notamment l’Occident, est responsable des 500.000 morts. La question a été posée à Mme Madeleine Albright, l’ex-secrétaire d’Etat américain. Elle a dit que c’était le prix de la démocratie. Aucun régime au monde ne mérite de connaître le massacre de 500.000 innocents.
- Q.O.: Avant son ouverture, vous aviez parlé d’un procès long. Vous avez même émis l’hypothèse de sa non-tenue. Quel bilan en faites-vous à la lumière des premières séances ?
- J.V.: A mon avis, ceux qui ont organisé le procès ont prouvé eux-mêmes qu’il était bidon ! Quand le premier président du Tribunal démissionne, quand des avocats se font tuer, manifestement les conditions d’un procès équitable font défaut. Pendant la Guerre d’Algérie, des avocats ont été tués. Mon ami Ould Aoudia l’a été à Paris par les services spéciaux français. Mais au moins, nous pouvions nous adresser à l’opinion. Cela est loin d’être le cas à Bagdad.
- Q.O.: Et qu’en est-il de Tarek Aziz dont vous êtes toujours l’un des avocats ?
- J.V.: Il est très malade. Les Américains contestent cet état de fait, mais je vous confirme qu’il est très malade. Avant d’être arrêté, il avait subi un double pontage. En février dernier, il a eu une très grave rechute. Son avocat, avec qui je suis en contact, dit qu’il est actuellement très diminué. Les Américains le contestent. Le problème est simple: on n’a qu’à faire venir un médecin. Pas un médecin bidon, encore une fois ! Mais un médecin agréé par la défense. Ce n’est pas le cas.
J’ai écrit à son sujet aux cinq chefs d’Etat membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. J’ai reçu des réponses de l’ambassadeur de Russie, de son homologue de Grande-Bretagne et du conseiller diplomatique du président Chirac. Le diplomate anglais, répondant au nom du Premier ministre Tony Blair, dit que les choses se passent normalement. Je constate qu’il a accepté de débattre. Le conseiller diplomatique de M. Chirac me rappelle l’existence d’une convention internationale exigeant de traiter les gens normalement quand ils sont arrêtés. Cela dit, on ne peut pas accepter que quelqu’un de très malade soit en prison. Dans mon courrier, j’ai également signalé le cas d’une femme ministre atteinte d’un cancer du sang. Emprisonnée, elle n’était pas soignée. J’ai appris depuis qu’elle a été libérée.
- Q.O.: Dans un récent livre, qualifiée de pamphlet par la presse internationale, vous avez tiré au lance-flammes sur les Etats-Unis et son président. Motif, entre autres, de votre courroux: l’idée de juristes de la Maison-Blanche selon laquelle les prérogatives constitutionnelles du chef d’un Etat en guerre contre le terrorisme s’impose à la convention contre la torture signée par Washington. A la lecture de votre texte, tout se passe comme si le droit international a vécu.
- J.V.: Il me semble que nous vivons dans l’anarchie. Voilà un pays qui s’arroge le droit d’intervenir dans les affaires intérieures des autres. Si ce pays avait une autorité morale suffisante, cela aurait été, aux yeux de certains, inacceptable mais tolérable. Or, manifestement, les Etats-Unis ne peuvent se targuer de quelque autorité que ce soit pour se comporter de la sorte. Non. A Guantanamo, ce pays traite les gens dans une situation qui ne relève d’aucun droit. L’actualité récente le confirme avec force. Des avions transportent clandestinement des prisonniers à travers de nombreux points du monde pour leur faire subir la torture. Et ce qui est beaucoup plus grave, ces «curieux charters» ont transité par des pays de l’Union européenne. Les rapports de parlementaires le disent: des prisons secrètes fonctionnent sur le territoire de l’UE, en Pologne et en Roumanie pour les citer. On y torture pour le compte des Américains. C’est le temps de la torture mondialisée sous le commandement US.
- Q.O.: Dans le même pamphlet, vous insistez, clichés à l’appui, sur la singularité de la torture en Irak.
- J.V.: La torture US en Irak est un plus dans l’horreur. Pendant la Guerre d’Algérie - les confidences du général Aussaresses le rappellent - l’argument avancé par les tortionnaires était celui-là: arracher des renseignements. Inutile de souligner que l’argument n’est pas tolérable. Le général de Bollardière a refusé de s’y impliquer. En Irak, c’est pire. Quand une jeune militaire se met à l’oeuvre, en riant, devant un Irakien nu en train de mourir, ce n’est pas pour avoir du renseignement. C’est pour nier l’humanité de l’autre, c’est pour avilir. Quand on viole une petite fille de 12 ans sous la cellule de son frère, ça participe du même motif. Relisons les discours de certains officiels américains. Tenu par un officier général au moment des évènements de Falloudja, l’un d’eux disait: «Nous allons dératiser». Washington a engagé la guerre à la recherche d’armes de destruction massive. On voit ce qu’il en est aujourd’hui. On a infligé aux Irakiens des «armes d’humiliation massive» !
- Q.O.: Revenons à la séquence algérienne de votre itinéraire. Il y a quelques semaines, vous avez reçu, aux côtés d’autres, un hommage officiel pour votre action au sein du collectif des avocats du FLN. C’était la première fois ?
- J.V.: En ce qui me concerne, oui. D’autres avocats ont été décorés dans le passé. Au-delà du geste lui-même, c’est un moment qui participe d’un devoir de mémoire envers des robes noires qui ont joué un rôle important. Notre collectif est né pendant la Bataille d’Alger. On a parachuté sur Alger - c’est le cas de le dire - des paras avec des lois spéciales ! On a arrêté tous les confrères algériens pour les envoyer à la prison de Berrouaghia et ailleurs. Face à la répression terrible, il y avait un manque en matière de défense. Au barreau, il ne restait plus que quelques confrères français qui plaidaient avec dévouement mais dans un cadre franco-français. Ils condamnaient la violence d’où qu’elle vienne. Nous pensions, pour notre part, que la violence du FLN était fondée et la violence des occupants illégale. C’est à ce moment-là que la Fédération de France a constitué un collectif dont j’ai fait partie. Ali Haroun dirigeait la structure chargée du dossier «défense des militants» et Bachir Boumaza contrôlait notre travail et le suivait en France.
-Q.O.: Depuis le début des années 1990, bien des choses ont été dites et écrites sur la Guerre d’Algérie. Qu’en est-il de l’accumulation des connaissances sur le collectif des avocats du FLN? Sait-on tout sur ce chapitre ?
- J.V.: L’histoire de la Guerre d’Algérie, on ne le répétera jamais assez, a longtemps été occultée pour de multiples raisons. En Algérie, les batailles entre factions politiques ont pesé et occulté beaucoup de pages. En France, c’était la honte, la séquence douloureuse qu’il fallait réduire à l’oubli. On a occulté. Reste que, depuis quelques années, les documents sortent en France, favorisant des travaux intéressants. Je pense en particulier à la thèse de Sylvie Thénault sur la justice en Algérie. S’agissant de la défense, elle souligne avec force détails le travail accompli sous la direction de la Fédération de France.
Q.O.: Voici huit mois, Me Mourad Oussedik, membre du collectif, tirait sa révérence. Quelle image gardez-vous de lui ?
- J.V.: L’image d’un confrère qui avait beaucoup de talent. Excellent débatteur, il avait déployé une action très positive. L’indépendance acquise, il s’est engagé dans des querelles à l’intérieur de la politique algérienne. Je veux dire ma mélancolie aujourd’hui à l’idée que quasiment tous les membres du collectif ne sont plus de ce monde. Nous étions cinq à agir sous le contrôle de la Fédération de France avec Haroun, Boudaoud et Boumaza. Ould Aoudia a été assassiné en 1959 par les services français, Benabdellah est mort il y a un an, Oussedik un peu moins, Bendimered aussi. De tous ceux qui coiffaient le collectif, je suis le seul survivant.
Q.O.: Votre action était au coeur de la polémique. Le garde des Sceaux, une partie de la classe politique et des médias vous accusaient de faire dans la confusion des genres. Vous agissiez non pas en avocats mais en militants au service du FLN.
- J.V.: Nous étions d’abord des avocats qui nous battions pour nos clients. A la seule et importante différence que nous nous battions dans des conditions exceptionnelles. La répression était collective, la loi violée. Notre activité ne ressemblait pas à l’activité quotidienne du reste de nos confrères agissant sur d’autres affaires. Elle résultait d’une situation anormale. Un exemple pour bien l’illustrer: un jour à Alger, un enfant membre de la famille de Yacef Saadi est arrêté. Je vais à la préfecture où je rencontre M. Paul Teitgen, Secrétaire général de la Préfecture de police, un homme honnête travaillant dans un contexte des plus intenables. M. Teitgen me demande de repasser dans 48 h pour avoir des nouvelles. Me rassurant que le petit n’a pas été maltraité, il me charge d’annoncer à sa famille sa prochaine libération. Dans la foulée de la discussion, il me dit qu’il est au courant de tout ce qui se passe dans les lieux de détention. Je réponds par une critique voilée: «Vous le savez d’autant plus que c’est vous qui les assignez à résidence». Paul Teitgen me répond par une formule: «Je sais très bien ce que vous voulez dire. Si je ne le faisais pas, ils seraient quand même dans ces lieux. En les assignant, je peux faire une comptabilité. Quand je vois 100 personnes assignées et 50 présentées devant le juge, je sais que 50 ont été tuées». C’est quelque chose d’horrible.
Dans cette situation, que peut faire un avocat. Il ne peut qu’utiliser des moyens qui ne sont pas les moyens habituels. C’est pour cela que j’ai été expulsé un jour alors que je recevais à l’hôtel Aletti (Es-Safir) des familles de «prétendus» disparus. Quand on tuait des personnes, on ne disait pas qu’elles avaient été tuées. On parlait de disparus ou de personnes ayant rejoint le maquis.
Q.O.: Que pensez-vous du processus de «judiciarisation» de l’histoire ?
- J.V.: Aujourd’hui, lorsqu’un Etat a agressé un autre - c’est toujours les mêmes, faut-il le relever - c’est qu’il a mal calculé son coup. Parce qu’il ne connaît pas les hommes. Cet Etat pense qu’avec une poignée de dollars dans une main, une mitraillette dans l’autre, les gens vont se mettre à genoux et crier bravo. Il se trompe. Les gens ont le sens de la dignité dans les pays arabes et ailleurs. Quand on a créé le chaos dans une région, on prend le vaincu et on le jette en pâture à l’opinion nationale et internationale. On lui impute la responsabilité du chaos. C’est ce qui se passe dans l’ex-Yougoslavie. Milosevic est présenté comme le responsable de tous les drames. Même attitude pour Saddam, la parodie de justice visant à le présenter comme le responsable du chaos irakien.
Q.O.: Vos plaidoiries vous ont valu, de la part de vos adversaires, une somme de qualificatifs. Parce que vous choisissez des clients médiatiques, on vous présente tantôt comme un nazi (allusion à la défense de Klaus Barbie), tantôt comme un terroriste (défense de Carlos ou de George Ibrahim Abdellah des FARL) et tantôt comme un corrompu (défense de chefs d’Etat africains ou d’ex-hommes fort en disgrâce). Vous refusez d’y répondre. Pourquoi ?
- J.V.: (rires) Une petite précision d’abord: je ne choisis pas mes clients. Ils me choisissent. Pourquoi je suis choisi plutôt qu’un autre ? La modestie professionnelle m’interdit de vous répondre. Un avocat doit défendre tous les cas qui lui sont proposés à une condition: c’est de ne pas le faire contre ses principes et ceux du métier. Quand je défends Barbie, je n’exalte pas le nazisme. Si Barbie m’avait demandé de plaider la race aryenne, je l’aurais invité à chercher quelqu’un d’autre. Ce que j’ai dénoncé au procès Barbie, c’est le colonialisme. D’ailleurs, avec la polémique sur l’article 4 de la loi du 23 février 2005, quelqu’un a écrit que le premier à avoir ouvert ce débat, c’est Me Vergès au procès Barbie. J’ai toujours été sensible à une chose: les procès étaient la partie émergée de l’iceberg. Seuls les procès permettaient de revisiter des choses..
Q.O.: Pourquoi vous ne répondez pas aux accusations ?
- J.V.: Parce qu’elles sont le fait d’un microcosme. Un petit groupe qui s’emploie à peser sur les médias avec les droits de l’homme toujours à la bouche (???, ou dans la bouche). C’est M. Finkelkraut qui a dit que la colonisation, c’était la civilisation apportée aux sauvages (ndlr: interview à un quotidien israélien reprise par Le Monde fin novembre). Il emploie le mot de sauvages. Sauvages les constructeurs des Pyramides ? Sauvages les constructeurs des Temples d’Angkor (Cambodge) ? Sauvages les sculpteurs d’Afrique ? Nous sommes en pleine folie ! C’est M. Klarsfield qui parle d’apport de la culture. Est-ce que les gens n’étaient pas cultivés ? Est-ce que Ibn Khaldoun attendait l’arrivée d’un militaire pour écrire sa Muqaddima ?
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